lundi 9 novembre 2009

Idéogramme - Vidéogramme, Lily Tournay

Par Laurence Gossart.

Lily Tournay est auteure et vidéaste plasticienne, ancienne élève de Dominique Belloir (ensba), réalisatrice vidéo. Formée par le maître de calligraphie chinoise Ung No Lee pendant 3 ans, Lily Tournay décida de réaliser Idéogramme-Vidéogramme.

Extrait

Voici une vidéo - un joli petit film - élaboré par Lily Tournay pour être regardé vu du dessus, en plongée. C’est en fait projeté à même le sol que ce court métrage prend tout son sens. Le cadre, explique l’auteure, est une sorte de métaphore de l’encrier asiatique. C’est le lieu où se lient les éléments entre eux, où l’alchimie des matériaux se créer pour élaborer des gestes, des signes, des images, des mots. Rythmée par le son de la contrebasse d’Arnaud Béruel, le cœur palpite de la sensualité des mouvements de la danseuse, Pascale Fagola formée par le chorégraphe japonais Min Tanaka. Son corps, pris dans le cadre imposé de la caméra, dessine des calligrammes. Corps pinceau, corps âme, les pulsations de ses gestes croisent les mots prononcés par SuChen Lee en chinois et en français : une épigramme de Lily Tournay. Les mots sont susurrés avec sensualité et douceur, mais surtout avec une profondeur qui glisse de cadre en cadre, de signe en signe, mais aussi de la main à l’épaule puis au cou de la danseuse : « vent », « main », « geste de la main », « crayon », « pinceau », « spirale », « courbe »… C’est alors que le corps de la danseuse inscrit du signe – voire même devient signe - et acquiert ainsi une puissance symbolique.
Lily Tournay offre une traversée des écrans, ceux du langage comme ceux du symbole, mais aussi, une traversée des écrans d’images qui se dressent face à l’être. La danseuse apparaît derrière les voiles et écrans de papier qu’elle déchire comme Murakami qui, en 1956, traversait l’or des huit écrans de papier dans un geste radical d’éclosion. Une déchirure radicale, en effet, par rapport au passé et à la culture ancestrale, déchirure qui engage une nouvelle existence, une renaissance. La distance et la proximité, le cadre et le hors cadre se jouxtent et jouent dans tous les sens sans jamais cloisonner l’être qui respire dans ces vidéogrammes-idéogrammes. Le temps s’y étire dans un ralenti qui prend le spectateur dans une langueur primitive.
La caméra de Lily Tournay dissèque – « cut » à l’image comme au montage – les arts sacrés que sont la danse buto et la calligraphie, pour les réassortir dans son bol à encre : la caméra. Comme le peintre qui tient son pinceau bien à la verticale au dessus de son encrier, l’auteure créer un axe de rotation à partir duquel le noir et blanc des images emmène chaque cadrage dans une danse où le centre et la périphérie du cadre sont constamment interrogés par la grâce des mouvements. Mouvement du pinceau, mouvement de la danseuse, mouvement de la vidéaste, les idéogrammes aux courbes sinueuses et circulaires s’inscrivent dans les cadres. Entre le cercle et le carré, le corps de la danseuse, le corps du peintre et le corps de Lily Tournay, sont pris dans un dispositif de contraintes libératoires : celles de la création. L’entrecroisement des images ne laisse aucune place à des effets de fondu-enchaîné. Aucun enchaînement… des juxtapositions. C’est la précision de la coupe au montage qui ravive la justesse de chacun de ces gestes artistiques afin de créer une unité poétique dans la lumière raffinée de ces images finement élaborées.
L.G.


Fiche technique :
 Danseuse : Pascale Fagola
 Chorégraphie : Lily Tournay – Pascale Fagola
 Images sonores : Arnaud Beruel - Lily Tournay
 Chef opérateur : Lily Tournay et Stéphane Balazuc
 Voix : Su Shen Lee
 Epigramme écrit : Lily Tournay

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