mardi 10 novembre 2009

Léonard de Vinci, La Joconde

Par Laurence Gossart

Un portrait. Un portrait de femme le regard franc et tendre, voire complice. Une femme comme une icône qui se donne à voir dans une lumière ténue qui modèle son visage et ses mains. L’encolure de la robe laisse entrevoir une carnation délicate. De la chair de peinture déposée en glacis et transmuée en peau fine. Les tons carnés des joues ont été recouverts au fil du temps par les vernis des restaurations successives qui limitent notre accès à la pulsation lumineuse que dégage ce portrait. Néanmoins le rayonnement reste palpable. Il trace des sillons d’intelligence dans l’étoffe de la robe noire de la Joconde comme dans le paysage qui se trouve dans son dos. Le lustre du corps ciré diffuse la clarté et brode de lumière dorée le décolleté et le voile qu’elle porte sur l’épaule.
Raffinée. Cette femme est raffinée. Retenue et pudique, la sobriété de l’attitude de trois quart face n’enlève rien à la complexité induite par l’expression du visage. Son corps est au tiers plongé dans l’ombre, il s’ancre dans la pesanteur mais la lumière venue du haut à gauche du tableau suggère les cheminements à poursuivre. Les accents lumineux mettent en évidence les différentes matières en présence dans la pénombre. La luminosité des mains semble irradier les étoffes des manches et communiquer leur mouvement. Comme si les mains et les tissus étaient faits d’une même substance. L’orientation des plis redouble l’orientation des doigts. Le voile qui longe la poitrine et souligne l’épaule droite conduit le regard vers les ocres du premier plan du paysage. Matière de feu, de rouge, de carmin, la chair semble le dénominateur commun entre le corps de la jeune femme et le paysage du second plan. De la terre, des roches, des chemins et des pierres pour construire des ponts. Mais tous ces chemins encaissés dans les vallées – comme les ombres creusées dans les plis des étoffes – conduisent vers un lac et ainsi abandonnent les coloris chauds pour préférer les nuances bleutées.
Le visage de la Joconde s’inscrit dans la partie supérieure du paysage. La transparence du voile que la jeune femme porte sur la tête permet la transition et le passage entre les deux espaces, celui du corps et celui du paysage. Le regard, ce regard si doux et apaisé contient en sa limpidité toute la profondeur suggérée par la ligne d’horizon. Au tumulte de la passion terrestre et charnelle se substitue l’élévation graduelle et progressive de l’être idéalisé. Les accidents se font plus rares. Partant de la densité compacte du bas du tableau, le peintre nous amène à un développement de l’espace profond grâce à un effet de perspective atmosphérique. Les masses laissent peu à peu place à une respiration aérienne, au souffle.

Laurence Gossart, le 10 janvier 2009

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